Rendez-vous avec le dragon

C’est une des manifestations les plus insolites de la nature : une vague en pleine terre, loin de la mer ou des océans. Une vague qui remonte un fleuve à contre-courant, et que les riverains de la Qiantang attendent avec crainte ou admiration depuis 2000 ans.

Le dragon argenté -ou mascaret chinois- n’est pas une vague qui se laisse dompter, ou comprendre facilement. Rencontre entre la marée montante et le courant descendant du fleuve, ce phénomène qui envahit l’estuaire et remonte la rivière en la barrant d’un seul coup avec une onde bouillonnante a longtemps semé la désolation.

D’une puissance terrible, le mascaret défonçait les digues, et laissait se répandre dans les champs les eaux turbides et salées. Les famines étaient fréquentes. La population, très votive, implorait son pardon, offrait des sacrifices, ou tirait à l’arc en sa direction.

Adoptant des formes esthétiques et fugaces, le mascaret déferle, louvoie, accélère, s’enroule sur lui-même, et dément toutes les prévisions. Il gronde comme l’orage, jaillit où on ne l’attend pas, et suscite l’admiration des scientifiques. Aujourd’hui, des digues comme des murailles gigantesques tentent de contenir sa fureur jamais affaiblie, et une fête honorant les esprits de la mer illustre la paix retrouvée avec le phénomène.